Le Menteur de Corneille, analyse linéaire de l'acte V scène 3

Le Menteur de Corneille, analyse linéaire de l'acte V scène 3

Cette scène peut être perçue comme un appel solennel d'un père à son fils, similaire au début de la scène 5 de l'acte I du "Cid". Géronte, à l'instar de Don Diègue, reproche à son fils sa conduite et tente de lui rappeler les valeurs de vertu et d'honneur. Cet appel vise à rappeler Dorante à l'ordre et à le faire réfléchir sur les conséquences de ses actions.

 

Le conflit entre Dorante et son père dépasse le simple désaccord générationnel. Dorante affiche une attitude d'insolence en niant son mensonge et en contestant la légitimité de son père à le juger. Géronte, quant à lui, incarne les valeurs de l'honneur aristocratique et ne comprend pas l'irresponsabilité de son fils. Ce conflit met en lumière l'incompréhension mutuelle et les attentes différentes entre les générations.

 

Géronte cherche à démontrer à son fils l'importance de la vertu et de l'honneur dans la noblesse. En insistant sur le fait que le titre de gentilhomme ne se transmet pas uniquement par le sang mais par la conduite vertueuse, Géronte tente de montrer à Dorante que ses actions ont des répercussions sur sa dignité et son rang social. Il souligne que le vice peut défaire ce que la naissance a accordé.

 

Pour Géronte, le mensonge est une marque de déshonneur car il souille la nature même de la noblesse. Il utilise un vocabulaire moral fort pour condamner les actions de Dorante, le qualifiant d'infâme et insistant sur la honte et la disgrâce que le mensonge apporte à la famille. Les questions rhétoriques de Géronte visent à pousser Dorante à reconnaître la gravité de son mensonge et à mesurer l'ampleur de la déception qu'il a causée.

 

L'échange entre Géronte et Dorante place ce dernier dans une position inconfortable pour la première fois. Dorante, habitué à mentir et à manipuler la vérité, se retrouve acculé par les réprimandes de son père. Géronte domine le dialogue, réduisant Dorante au silence et l'obligeant à se justifier maladroitement. Cliton intervient pour tenter de sauver Dorante de cette situation, mais son rôle reste marginal et n'allège pas la tension de l'échange.

 

La tirade de Géronte aux vers 1537-1555 peut être perçue comme un moment de comédie dramatique, où la colère et le désespoir du père sont si exacerbés qu'ils en deviennent presque caricaturaux. Corneille utilise l'exagération pour accentuer le décalage entre les attentes de Géronte et les actions de Dorante, créant ainsi un effet de contraste qui peut prêter à sourire malgré la gravité de la situation.

 

Après avoir subi la colère de son père, Dorante change d'attitude en adoptant un ton plus humble et en tentant de justifier ses actions par un discours sur l'amour. L'impératif « écoutez » marque une tentative de Dorante de se faire entendre et de convaincre son père de la sincérité de ses sentiments. Ce changement montre que Dorante prend conscience des conséquences de ses mensonges et cherche à regagner la confiance de Géronte.

 

Lorsque Dorante affirme dire « la vérité pure », cela peut être interprété de différentes manières par le lecteur-spectateur. Géronte pourrait y voir une tentative désespérée de son fils de se racheter, tandis que Cliton pourrait le percevoir comme une nouvelle manipulation. La sincérité de Dorante est mise en doute en raison de son historique de mensonges, mais cette affirmation marque un tournant dans son discours, où il tente de se montrer honnête.

 

Dorante semble croire en ses propres explications, car pour la première fois, il expose ses motivations avec une certaine cohérence. Toutefois, le lecteur-spectateur peut douter de sa sincérité, se demandant si Dorante n'est pas encore en train d'improviser et de se réinventer pour échapper aux réprimandes de son père. Cette ambiguïté dans son discours souligne la complexité du personnage et la difficulté de discerner la vérité dans ses propos.

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