Analyse de la scène 2 (de la 1ère partie) de Cendrillon de Joël Pommerat
Dans cette scène, les thèmes de la maladie, de la communication difficile et de la mort imminente sont introduits. L'alternance entre le dialogue de la très jeune fille et sa mère, et les interventions de la narratrice, met en lumière les incompréhensions et les malentendus entre les personnages. On peut distinguer plusieurs moments : la très jeune fille qui essaie de communiquer avec sa mère malade, l'incompréhension récurrente des propos de la mère, et enfin l'acceptation et la promesse de la jeune fille de se souvenir de sa mère. La progression de la scène tend vers une intensification émotionnelle, culminant avec les derniers mots de la mère et l'impact profond sur la jeune fille.
Le récit renvoie à l'origine orale du conte par l'utilisation d'un narrateur qui intervient directement pour guider et informer le public. Les interventions de la narratrice, qui explique et clarifie les actions des personnages, rappellent la tradition des conteurs qui ajoutaient des commentaires et des explications pour aider leur auditoire à comprendre l'histoire. Cette technique renforce l'idée d'une transmission orale et d'une histoire contée.
Les personnages ressemblent à ceux des contes par leurs rôles archétypaux et leur traitement symbolique. La très jeune fille incarne l'innocence, la naïveté et la pureté, typiques des héroïnes de contes. La mère, quant à elle, représente la figure maternelle aimante mais affaiblie, un personnage souvent central dans les contes pour sa sagesse et son rôle protecteur. Le père, bien que moins développé dans cet extrait, semble jouer le rôle de soutien et de guide pour sa fille.
Joël Pommerat s'inspire principalement de la version de Charles Perrault dans cette scène. Comme dans le conte de Perrault, la mère de Cendrillon est mourante et donne des conseils à sa fille avant de mourir. Cette scène rappelle la douceur et la tristesse de l'adieu maternel, un élément central dans la version de Perrault. En se focalisant sur la communication difficile et les dernières paroles de la mère, Pommerat renforce l'importance des promesses et des souvenirs, similaires à ceux évoqués dans la version classique.
Oui, nous avons accès aux pensées cachées de la très jeune fille grâce aux interventions de la narratrice qui nous informe de ses émotions et de ses compréhensions. Cela permet de comprendre le malentendu car nous voyons comment elle interprète les paroles de sa mère avec son imagination débordante. Sa compréhension partielle et parfois erronée des paroles de sa mère met en lumière la fragilité de la communication et l'impact des malentendus.
Dans les trois moments de dialogue successifs avec sa mère, la très jeune fille entend d'abord les murmures incompréhensibles et faibles de sa mère, exprimant sa fatigue et son état de santé critique. Ensuite, elle entend sa mère parler de son départ imminent, ce qu'elle interprète comme un simple besoin de repos. Enfin, la très jeune fille comprend que sa mère va "partir pour toujours", ce qu'elle interprète avec son imagination, promettant de toujours penser à elle et croyant qu'elle peut la sauver de la mort par ses pensées.
Le rôle du spectateur dans cette scène est d'être un témoin attentif des malentendus et des émotions des personnages. Ce rôle correspond au pacte de réception posé dans le prologue où la narratrice invite le public à utiliser son imagination pour entendre et comprendre l'histoire. Le spectateur est ainsi impliqué activement dans la reconstruction du sens, partageant les perceptions et les incompréhensions des personnages.
Le langage de la très jeune fille surprend par sa simplicité et son innocence, contrastant avec la gravité des situations qu'elle traverse. Ce choix de langage renforce son caractère naïf et vulnérable, rendant ses malentendus avec sa mère encore plus poignants. Cela crée un effet de contraste émotionnel fort, mettant en lumière la tragédie de l'incompréhension et la puissance de l'imagination enfantine face à la réalité de la mort.
Les tonalités principales dans ce passage sont la tristesse, l'innocence et une certaine poésie mélancolique. L'auteur recourt à ce mélange de registres pour accentuer la profondeur émotionnelle de la scène et pour refléter la complexité des sentiments de la très jeune fille. Ce mélange permet de créer une atmosphère à la fois douce et tragique, rendant la scène plus riche et touchante pour le spectateur.
Le pacte imaginé par la très jeune fille est celui de ne jamais oublier sa mère et de penser constamment à elle pour la garder vivante dans ses pensées. Ce pacte est maléfique car il impose une charge émotionnelle énorme à la très jeune fille, lui donnant la fausse impression que son oubli pourrait causer la mort définitive de sa mère. Cette idée la condamne à un deuil éternel et à une culpabilité permanente, rendant son chagrin encore plus insoutenable.
Les premières scènes de Cendrillon utilisent des techniques modernes telles que l'intervention directe du narrateur, les jeux de lumière et de son pour souligner les émotions des personnages, et des dialogues qui alternent avec des moments de récit introspectif. Ces choix permettent de créer une expérience théâtrale immersive et émotionnellement chargée, mettant en avant la dimension psychologique des personnages et leur monde intérieur. La modernité de ces choix réside dans la manière dont ils brisent la quatrième mur, impliquant activement le spectateur dans le récit.
Joël Pommerat joue des représentations traditionnelles du conte en les adaptant à un contexte contemporain, tout en conservant leurs éléments symboliques et archétypaux. Il utilise des techniques théâtrales modernes, comme les interventions du narrateur et les effets de mise en scène, pour enrichir le récit et engager le spectateur. En combinant des éléments familiers avec des approches innovantes, il crée un univers singulier où le merveilleux et le quotidien se rencontrent, offrant une nouvelle perspective sur des histoires connues.
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