L'équipage de Joseph Kessel, analyse du chapitre II de la 1ère partie

L'équipage de Joseph Kessel, analyse du chapitre II de la 1ère partie

Dans cet extrait, Jean Herbillon traverse un éventail d'émotions intenses et variées. En commençant par une fatigue écrasante après son premier jour d'escadrille, il est submergé par un sentiment d'ivresse qui le conduit à sa chambre. Sa tentative de mettre un nom sur chaque visage rencontré démontre une confusion et une pression interne pour se familiariser avec son nouvel environnement. Cette confusion est renforcée par ses souvenirs persistants de ses camarades, marqués par des caractéristiques distinctes mais floues. Ensuite, l'angoisse et la peur l'envahissent, notamment en raison de l'intimidation et de la crainte de déplaire. Enfin, un sentiment de réconfort et de camaraderie naît lorsqu'il retrouve dans le regard de ses compagnons une expression fraternelle, ce qui le rassure et apaise ses tourments intérieurs.

L'écriture de cet extrait utilise diverses techniques pour traduire l'intensité des émotions de Jean Herbillon. L'emploi de figures de style comme les métaphores et les comparaisons intensifie la description de ses sentiments, par exemple, la "voix puérile" et le "regard nuageux" de ses camarades. Le vocabulaire est riche et évocateur, évoquant à la fois la confusion et la fascination du jeune homme. Le discours rapporté, direct et indirect, permet de saisir les pensées et les dialogues intérieurs de Herbillon, révélant sa vulnérabilité et ses craintes. La ponctuation, avec des phrases courtes et hachées, reflète l'angoisse et le rythme saccadé de ses pensées. Enfin, les phrases interrogatives et exclamatives ponctuent le texte, traduisant son désarroi et son excitation.

Plusieurs détails dans l'extrait révèlent le manque d'expérience de Jean Herbillon. Sa difficulté à se souvenir des noms de ses camarades et à associer des traits précis à chacun d'eux souligne son statut de novice. Son sentiment de peur et son appréhension à l'idée de déplaire montrent son manque de confiance en lui-même et en ses capacités. De plus, son étonnement face à la fraternité et à la solidarité de ses camarades indique qu'il n'est pas encore habitué à l'esprit de corps qui règne dans l'escadrille. Enfin, sa lutte pour maîtriser ses émotions et son excitation à l'idée de participer à une épopée héroïque montrent qu'il est encore en pleine découverte de ce monde nouveau et exigeant.

La description des pilotes regorge de symboles qui illustrent le rêve d'héroïsme de Jean Herbillon. Les détails comme "le bec d'aigle" et "la lumière fiévreuse" dans leurs yeux évoquent une image de noblesse et de courage. Les traits héroïques et les comparaisons avec des figures légendaires, telles que "d'Artagnan vieilli", renforcent l'idéalisation de ces hommes comme des héros modernes. Ces éléments incarnent les aspirations de Herbillon à rejoindre cette élite courageuse et distinguée, et à vivre des aventures épiques à leurs côtés.

L'auteur montre la lutte de Herbillon pour aligner son rêve d'héroïsme avec la réalité à travers plusieurs passages. D'abord, lorsqu'il tente de mettre des noms sur les visages de ses camarades, il réalise la distance entre ses attentes et la réalité concrète de son escadrille. Ensuite, le moment où il se voit dans le miroir, cherchant une fierté nouvelle dans ses traits, symbolise son effort pour incarner cet idéal héroïque. Enfin, son interaction avec Mathieu, où il se sent rassuré par le regard fraternel, montre son besoin constant de valider son appartenance à ce groupe héroïque. L'auteur utilise des descriptions détaillées et introspectives pour exprimer cette lutte intérieure, alternant entre réalisme cru et envolées lyriques pour traduire les aspirations et les désillusions du jeune homme.

Le réveil d'Herbillon est ironique et cruel car il confronte brutalement ses rêves d'héroïsme à la dure réalité. La lumière laiteuse du matin et la confusion de ses pensées au réveil contrastent avec ses aspirations glorieuses. La banalité des propos de Mathieu sur le temps qu'il fait, suivie de l'indifférence des autres à son désarroi, accentue cette cruauté. Herbillon, qui espérait des exploits et des moments héroïques, se retrouve face à la monotonie et à l'indifférence de la vie quotidienne, rendant son réveil désillusionnant et cruel.

Le narrateur adopte une position omnisciente mais empathique vis-à-vis de Jean Herbillon, mêlant des points de vue internes et externes. Le discours indirect libre est prédominant, permettant de plonger dans les pensées et émotions du personnage tout en conservant une certaine distance narrative. Cette technique permet de transmettre les sentiments intérieurs de Herbillon tout en offrant une perspective critique et réfléchie sur ses actions et ses réactions.

Le passage où Herbillon tente de se souvenir des traits de ses camarades et d'associer des noms à des visages évoque un travail de mémoire autobiographique. Cette tentative de capturer et de fixer des souvenirs reflète un effort de rétrospection typique d'un récit autobiographique, où l'auteur se remémore et analyse des expériences passées pour en extraire du sens et des leçons.

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