L'équipage de Joseph Kessel, analyse du chapitre III de la 2ème partie
Dans cet extrait, plusieurs éléments suggèrent le caractère transgressif de la vie de Thélis et d’Herbillon. Leur manière désinvolte de se comporter, notamment lorsque Herbillon jette sur ses épaules une peau de bique et s’assoit avec nonchalance à côté de Thélis, montre un rejet des normes militaires strictes. Thélis, en plaisantant sur le danger qu'il représente en voiture, démontre une attitude insouciante face aux risques, ce qui contraste avec la gravité attendue de leur position. Cette insouciance et cette légèreté dans un contexte de guerre soulignent une forme de rébellion contre la discipline et les attentes sociales de leur rôle de soldats.
Au début de l'extrait, les personnages ressentent un mélange d'excitation, d'insouciance et de nostalgie. Herbillon est envahi par un sentiment de liberté lorsqu'il goûte enfin le plaisir de sa décoration, une sensation exacerbée par les souvenirs qui refont surface. Thélis, de son côté, irradie de joie de vivre, influençant positivement Herbillon. L'auteur traduit ces émotions par des descriptions vivides et contrastées, comme la "lumière du matin" et les "moteurs effarouchant la douceur", qui soulignent l'intensité de leurs sentiments et le contraste entre leur état émotionnel et l'environnement extérieur.
Les sentiments d'excitation et d'insouciance ressentis par les héros influencent profondément leur perception de la réalité au début du passage. Ils voient le monde à travers un prisme idéalisé, où chaque élément semble empreint de beauté et de grandeur. Cette perception amplifiée de la réalité est marquée par des descriptions lyriques de leur environnement, où même les dangers et les difficultés sont perçus avec une certaine légèreté. Leur état émotionnel leur permet de transcender la dureté de leur situation, créant une vision du monde presque surréelle et exaltante.
La rencontre avec la relève constitue un coup de théâtre car elle introduit un contraste brutal avec l’insouciance et la légèreté de Thélis et Herbillon. Les soldats de la relève, avec leurs "souliers difformes" et leurs "faces disparates" marquées par la souffrance, représentent la dure réalité de la guerre que Thélis et Herbillon semblaient ignorer ou transcender. Cette confrontation soudaine et inattendue entre deux perceptions de la guerre - l’une idéalisée et l’autre cruellement réaliste - choque et rappelle aux personnages et au lecteur la brutalité et l'inhumanité du conflit.
La description des soldats de la relève révèle un quotidien marqué par la souffrance, l'épuisement et la désillusion. Leurs "souliers difformes" et leur marche laborieuse sur la "terre dure" montrent les conditions physiques éprouvantes qu'ils endurent. Les visages portant le "même maquillage atroce et fraternel" indiquent une expérience partagée de douleur et de traumatisme. Cette description souligne la réalité brutale et incessante de la vie des poilus, faite de privations, de combats et de résilience face à l'adversité.
Ce qui oppose Thélis et Herbillon aux militaires de la relève est leur attitude face à la guerre et la manière dont ils la vivent. Thélis et Herbillon affichent une insouciance et une légèreté presque irréalistes, se permettant des plaisanteries et une vision idéalisée de leur rôle. En revanche, les soldats de la relève sont marqués par la dure réalité du front, leur apparence et leur comportement témoignent d'une expérience quotidienne de la souffrance et de la lutte pour survivre. Ce contraste met en lumière la différence entre ceux qui parviennent à maintenir une façade d’idéalisme et ceux qui subissent directement les affres du conflit.
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