L'équipage de Joseph Kessel, analyse du chapitre V de la 1ère partie
Maury et Herbillon sont étroitement liés par leur expérience commune du quotidien de la guerre, ce qui est clairement illustré par leurs interactions et les moments partagés dans l'extrait. Ils vivent ensemble les départs au lever du jour, les retours au crépuscule et les surveillances paisibles. Cette routine partagée crée une forte camaraderie, car ils subissent les mêmes dangers et ressentent les mêmes inquiétudes et espoirs. Leur relation est cimentée par des missions répétitives et éprouvantes qui demandent une confiance mutuelle et une compréhension instinctive, développée au fil des combats et des vols.
Plusieurs figures de style dans l'extrait suggèrent le caractère intuitif et instinctif de la complicité entre Maury et Herbillon. La métaphore de l'"entité morale, une cellule à deux cœurs, deux instincts" souligne cette fusion intime et instinctive. De plus, la comparaison avec "une subtile antenne" évoque une connexion presque télépathique entre eux, une capacité à percevoir l'approche de l'ennemi sans avoir besoin de communication verbale. L'expression "ils pouvaient se comprendre d’un signe et souvent d’un sourire" illustre également cette communication non verbale et instinctive, renforçant l'idée d'une relation symbiotique.
Les termes utilisés pour décrire la relation entre Herbillon et Maury indiquent clairement qu'ils forment un duo fusionnel. Expressions telles que "entité morale", "cellule à deux cœurs" et "deux instincts" montrent qu'ils fonctionnent comme une seule unité, partageant les mêmes sentiments et pensées. L'image de "la cohésion ne cessait point hors des carlingues" suggère que leur connexion dépasse le simple cadre professionnel, s'étendant à une profonde compréhension et dépendance mutuelle. Leur relation est également décrite en termes de complémentarité et de soutien mutuel, comme en témoigne la phrase "ils n’avaient fait que s’aimer; ils se complétaient".
Les comportements et actions de Maury et Herbillon évoquent des valeurs chevaleresques à travers leur bravoure, leur loyauté et leur solidarité. Leur engagement à partager les mêmes dangers et à protéger l’un l’autre dans les situations périlleuses rappelle les idéaux chevaleresques de protection et de courage. La manière dont ils se comprennent et se soutiennent mutuellement, sans besoin de mots, démontre un esprit de fraternité et de dévouement. Cette camaraderie est renforcée par leurs actions coordonnées pendant les vols et les combats, où chacun dépend de l’autre pour la réussite et la sécurité.
L’héroïsme des protagonistes s’inscrit dans la répétition et le quotidien par leur capacité à affronter chaque jour les mêmes dangers avec détermination et résilience. Le texte décrit comment ils vivent les départs au lever du jour et les retours au crépuscule de manière routinière, transformant des actions extraordinaires en habitudes quotidiennes. Cette banalisation de l’héroïsme, où chaque mission, bien qu’éprouvante, devient une partie de leur routine, souligne la constance et la persévérance nécessaires pour être un héros. Leur héroïsme est ainsi ancré dans la répétition des tâches dangereuses et leur capacité à les surmonter sans relâche.
Plusieurs procédés d’écriture dans ce passage confèrent un souffle épique à la narration. Les métaphores et comparaisons magnifient les actions des protagonistes, comme l’évocation de la "tendresse de fleur" du ciel ou des "chutes brusques" et "joie mathématique des acrobaties". La personnification des machines et de la nature environnante ajoute une dimension épique et vivante. L’utilisation de la ponctuation, avec des phrases longues et fluides, crée un rythme solennel et majestueux. Enfin, l’accumulation et la répétition d’éléments descriptifs, telles que les "surveillances paisibles" et les "combats", renforcent l’impression de grandeur et d’héroïsme quotidien.
Kessel parvient à créer une tension dramatique dans ce texte grâce à une structure narrative qui oscille entre moments de calme et d’action intense. La tension monte progressivement avec la description de l’attente et de la vigilance des personnages, soulignée par des détails sensoriels et des mouvements subtils. Les dialogues concis et parfois abrupts ajoutent une couche d’anticipation, chaque échange laissant présager une action imminente. Les variations de rythme, avec des phrases courtes et percutantes suivies de descriptions plus longues et détaillées, maintiennent le lecteur dans un état d’alerte. Cette alternance crée un effet de suspense continu, captivant le lecteur tout en développant les enjeux dramatiques.
Ce passage condense les principaux thèmes de l’œuvre en mettant en avant la camaraderie, le quotidien de la guerre, et l’héroïsme dans des situations ordinaires. La relation fusionnelle entre Maury et Herbillon incarne le thème de la fraternité et de l’amitié indéfectible dans des circonstances extrêmes. Le quotidien répétitif et dangereux des missions aériennes illustre la banalisation de l’héroïsme et le courage constant des protagonistes. Enfin, la tension dramatique et les moments de réflexion intérieure sur leur condition et leur avenir rappellent les thèmes de la guerre, de la mort, et du sens de la vie, éléments centraux dans l’œuvre de Kessel.
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