Lecture analytique de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte I scène 6

Lecture analytique de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte I scène 6

La scène 5, où les vieillards expriment leur admiration pour Hélène, prépare le terrain pour la scène 6 en établissant l'impact de sa beauté sur Troie. La scène 6 poursuit cette exploration en introduisant les discussions plus formelles et politiques sur la guerre et la paix, tout en mettant en avant les points de vue des membres de la famille royale et des citoyens.

 

L'enjeu de cette scène est la décision cruciale concernant la restitution d'Hélène et la possibilité d'éviter la guerre. Cette scène est importante pour la progression de l'action car elle met en lumière les débats internes à Troie, les différents avis sur la situation et les tensions entre ceux qui prônent la paix et ceux qui acceptent la guerre comme inévitable.

 

La scène progresse en passant des discussions philosophiques et politiques aux interactions plus personnelles et émotionnelles. Les thèmes de la guerre, de l’honneur, de la beauté et du destin sont constamment entrelacés. Les dialogues révèlent les positions des personnages et leurs motivations, reliant ainsi les débats théoriques aux enjeux personnels.

 

Hélène est vue à la fois comme une cause de discorde et comme une victime de la situation. Certains la voient comme une figure tragique, symbole de la beauté qui entraîne la destruction, tandis que d'autres la considèrent comme une femme responsable de ses actions et des conséquences qui en découlent.

 

Pour les personnages masculins, Hélène représente la beauté idéalisée et la cause d'un conflit majeur. Hector, bien que conscient de ces symbolismes, se distingue par son approche plus pragmatique, tentant de voir au-delà de cette image et de se concentrer sur les solutions pour préserver la paix.

 

Demokos est un poète qui incarne la voix de l’art et de la culture, souvent avec une perspective idéaliste et critique. Le Géomètre représente la rationalité et la science, apportant une vision méthodique et logique aux débats. Ils ajoutent des dimensions intellectuelles et artistiques aux discussions, enrichissant le cadre des décisions politiques.

 

La discussion sur les femmes est intrinsèquement liée à la question de la guerre car Hélène en est la cause apparente. Les hommes conçoivent souvent les femmes comme des objets de désir ou des symboles, tandis que les femmes, représentées par Hécube et Andromaque, perçoivent la guerre et ses conséquences avec une sensibilité plus ancrée dans les réalités humaines et familiales.

 

Andromaque et Hécube veulent prouver que la restitution d'Hélène est la meilleure solution pour éviter la guerre. Elles s’y prennent en argumentant avec passion et logique, faisant appel à la raison et aux émotions. Andromaque reste crédible en raison de son lien direct avec Hector et son pragmatisme. Hector et Priam réagissent différemment : Hector est plus réceptif aux arguments d'Andromaque, tandis que Priam est tiraillé entre ses obligations royales et les influences de son entourage.

 

Polyxène intervient en tant que symbole d'innocence et de jeunesse, apportant une perspective plus pure et non entachée par les conflits politiques. Sa présence rappelle aux personnages les conséquences humaines de leurs décisions.

 

Les deux camps en présence sont ceux qui prônent la restitution d'Hélène pour éviter la guerre (représentés par Andromaque, Hécube et Hector) et ceux qui croient que rendre Hélène serait un signe de faiblesse et une trahison de l'honneur troyen (représentés par Pâris et certains vieillards).

Les premiers mettent en avant les souffrances humaines et les destructions évitées, tandis que les seconds insistent sur l’honneur, la fierté et les conséquences politiques de céder aux Grecs.

 

L'amour entre Hector et Andromaque se manifeste par leur soutien mutuel, leur communication honnête et leur désir commun de protéger leur famille et leur patrie. Leur relation est empreinte de tendresse et de respect, contrastant avec les tensions environnantes.

 

Hécube est une mère protectrice, sage et pragmatique. Elle incarne la souffrance des femmes troyennes et la volonté de préserver la paix à tout prix. Priam est un roi sage mais tiraillé entre ses devoirs royaux et ses émotions paternelles. Il incarne le dilemme du pouvoir face aux réalités humaines. Hécube est marquée par son pragmatisme et sa sensibilité, tandis que Priam se distingue par sa sagesse et ses conflits internes.

 

Les traits d’esprit et les ambiguïtés, souvent exprimés par Cassandre et Demokos, ajoutent une coloration ironique et tragique à la scène. Les pointes d’humour allègent la gravité des débats tout en soulignant l’absurdité des situations et des arguments, enrichissant ainsi la profondeur dramatique.

 

Les aphorismes sont souvent prononcés par Cassandre et Hector. Cassandre utilise des aphorismes pour souligner la fatalité et l'inévitabilité du destin, tandis qu’Hector les emploie pour exprimer des vérités pragmatiques sur la guerre et la paix. Les aphorismes des hommes tendent à être plus pragmatiques et réalistes, tandis que ceux des femmes, particulièrement Cassandre, sont plus prophétiques et fatalistes.

 

Les allusions à la poésie enrichissent la scène en ajoutant une dimension culturelle et intellectuelle. Les déclamations de Demokos, bien que poétiques, sont ridicules car elles semblent déconnectées des réalités pratiques et urgentes de la situation. La dernière réplique d’Hector, souvent empreinte de pragmatisme, sert à dénoncer l’écart entre les idéaux artistiques et la dure réalité politique. Giraudoux critique ainsi l’inefficacité de la poésie face aux nécessités du pouvoir et de la guerre.

 

Le silence de Pâris peut être interprété comme une hésitation ou un manque de courage face aux responsabilités. Son acceptation du défi d’Hector montre finalement son attachement à Hélène, bien que cet amour semble égoïste et passionné plutôt que véritablement profond et respectueux. Cela est crucial pour l’enjeu de la pièce, car le sort de Troie dépend de la capacité de Pâris à dépasser son égoïsme et à prendre des décisions pour le bien commun.

 

Pâris incarne une figure de roi immature et passionnée, plus guidée par ses désirs personnels que par une vision sage et stratégique. La décision de la guerre semble dépendre des influences multiples autour de Priam, ce qui est inquiétant car cela montre un manque de cohésion et de leadership clair à Troie.

 

Giraudoux semble adopter une position pacifiste, critiquant la guerre comme une conséquence tragique des passions humaines et des erreurs politiques. Hector et Andromaque représentent cette vision pragmatique et pacifiste. Personnellement, je me sens le plus proche d’Hector pour son pragmatisme et sa volonté de trouver une solution pacifique malgré les pressions extérieures.

 

Giraudoux ne récuse pas toute poésie, mais critique l’inefficacité de la poésie déconnectée des réalités. Certains personnages, comme Hector et Cassandre, s’expriment de manière poétique et prophétique, ajoutant une profondeur émotionnelle et philosophique à leurs paroles. Cela montre que la poésie a sa place, mais qu’elle doit être liée aux réalités humaines et politiques pour être vraiment significative.

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