Lecture analytique de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte I scènes 1 et 2

Lecture analytique de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte I scènes 1 et 2

La situation initiale de la pièce se déroule sur la terrasse d’un rempart à Troie. Andromaque et Cassandre discutent de la guerre imminente. La conversation entre ces deux personnages permet d’exposer les tensions et les enjeux dès le début de la pièce. L’action est déjà engagée dans la mesure où la guerre de Troie est imminente et les personnages sont en plein débat sur la possibilité de l’éviter.

 

La didascalie mentionne la terrasse d’un rempart dominé par d’autres remparts. Ce décor évoque la situation de siège et de défense, en lien direct avec le contexte de la guerre de Troie. Le titre de la pièce, "La guerre de Troie n’aura pas lieu", contraste avec cette image de fortification, suggérant une tension entre la réalité présente de la guerre et l’espoir ou l’illusion d’une paix possible. La répétition des termes liés à la guerre et à la défense souligne cette dualité entre espoir et fatalité.

 

Andromaque est l’épouse d’Hector, un prince troyen et héros de la guerre de Troie. Cassandre est la sœur d’Hector, une prophétesse maudite dont les prédictions ne sont jamais crues. Le choix de ces deux personnages pour ouvrir la pièce introduit immédiatement un contraste entre l’espoir et la résignation. Andromaque incarne l’espoir et la foi en la possibilité d’éviter la guerre, tandis que Cassandre, pessimiste, représente la fatalité et la certitude du drame à venir.

 

Les éléments d’exposition incluent le lieu (la terrasse d’un rempart à Troie), le temps (avant le début de la guerre de Troie), et l’action (une discussion entre Andromaque et Cassandre sur la possibilité d’éviter la guerre). Ces éléments servent à introduire les principaux conflits et thèmes de la pièce.

 

L’expression "La guerre de Troie n’aura pas lieu" est répétée dans la scène 1, notamment par Andromaque. Cette répétition crée un rythme insistant et renforce l’espoir, voire l’illusion, d’éviter le conflit, tout en mettant en contraste la conviction pessimiste de Cassandre.

 

Cassandre prophétise que la guerre de Troie aura lieu, malgré l’optimisme d’Andromaque. Dans la scène 1, Andromaque réagit d’abord avec confiance et optimisme, affirmant que la guerre n’aura pas lieu. À mesure que la discussion progresse, on observe une certaine tension entre l’espoir d’Andromaque et la résignation de Cassandre. Cette progression met en lumière la dynamique entre les deux personnages et la montée de l’angoisse face à la guerre imminente.

 

Les huit premières répliques rappellent la légende de la guerre de Troie et mettent en avant des thèmes intemporels, comme le conflit et la quête de paix. Les allusions à des faits contemporains de la représentation peuvent être perçues à travers le ton général de désillusion face à la guerre, résonnant avec les préoccupations de l'époque, notamment la montée des tensions en Europe avant la Seconde Guerre mondiale.

 

Cassandre attribue la cause de la guerre à la "bêtise des hommes et des éléments", soulignant une vision pessimiste de la nature humaine et du destin. Elle perçoit la guerre comme une conséquence inévitable de la folie et de la destructivité humaines.

 

Cassandre définit le destin comme "la forme accélérée du temps" et utilise la métaphore d'un tigre endormi pour illustrer cette idée. Elle explique que les affirmations des Troyens sur la paix sont comme des bruits qui réveillent le tigre, le destin. Cette métaphore est filée tout au long de la scène pour montrer comment les actions et les paroles des personnages éveillent inévitablement le destin. Cette métaphore peut s’appliquer à Hector, car ses propres actions et décisions, bien qu’animées par des intentions pacifiques, pourraient précipiter le destin tragique de Troie.

 

Cassandre est pessimiste, cynique et résignée à la fatalité du destin. Elle emploie un ton prophétique et fataliste. Andromaque, en revanche, est optimiste, sensible et pleine d'espoir. Elle exprime des sentiments de foi en la paix et en la capacité des Troyens à éviter la guerre. Sa sensibilité à la nature se révèle lorsqu'elle décrit la beauté et la tranquillité de Troie. L'opposition psychologique entre Cassandre et Andromaque se manifeste dans leur dialogue : Cassandre voit l’inéluctable, tandis qu’Andromaque s’accroche à l’espoir.

 

La scène 1 est ponctuée d’aphorismes et de traits d’ironie, surtout dans les répliques de Cassandre. Par exemple, elle ironise sur l’optimisme de Troie en comparant les affirmations de paix à des bruits qui réveillent le destin. La tonalité de la scène est à la fois grave et ironique, mettant en tension l'espoir naïf et la lucidité pessimiste.

 

Les anachronismes et le ton moqueur utilisés par Cassandre pour parler de faits légendaires servent à rendre les personnages et les situations plus proches du public contemporain de Giraudoux. Ils permettent aussi d'ajouter une couche de critique et de réflexion sur la nature humaine et les répétitions historiques, rendant ainsi la pièce plus universelle et intemporelle.

 

Ce début est particulièrement frappant car il met immédiatement en contraste l’espoir et la résignation, tout en établissant les deux visions opposées des personnages principaux. Il prépare le spectateur à une exploration profonde des thèmes du destin, de la guerre et de la paix. Ce contraste dès les premières répliques engage le spectateur dans une réflexion sur la fatalité et l’illusion.

 

À travers Andromaque et Cassandre, Giraudoux oppose deux conceptions du monde. Andromaque représente une vision optimiste et humaniste, croyant en la capacité des humains à changer leur destin et à éviter les conflits par la raison et l’amour. Cassandre, en revanche, incarne une vision fataliste et pessimiste, convaincue que le destin est inéluctable et que les actions humaines sont vaines face aux forces supérieures du destin et de la nature. Cette opposition reflète les débats philosophiques sur le libre arbitre et la détermination.

 

Giraudoux suppose que le spectateur connaît déjà les grandes lignes de la guerre de Troie, ce qui lui permet de se concentrer sur les aspects psychologiques et philosophiques des personnages plutôt que sur les événements historiques. En prenant ses distances par rapport aux données mythiques, il humanise les personnages et les rend plus accessibles au public contemporain. Il se focalise sur les dilemmes moraux et les conflits intérieurs, ajoutant une profondeur moderne à l’histoire légendaire.

 

En faisant annoncer à Cassandre la naissance de l’enfant d’Hector, Giraudoux ajoute une dimension personnelle et humaine à son personnage. Cela souligne la tragédie de Cassandre, condamnée à prévoir des catastrophes sans être crue, et renforce l’ironie de sa situation : même en annonçant une nouvelle positive, elle est perçue avec suspicion et pessimisme. Cette annonce ajoute également une dimension symbolique, en mettant en avant la continuation de la vie et de l’espoir malgré la certitude du désastre à venir.

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