Lecture analytique de La guerre de Troie n'aura pas lieu, Acte I scènes 4 et 5
Pâris arrive au début de la scène pour confronter Hector au sujet d'Hélène. Sa présence est motivée par son désir de défendre son amour et de justifier son acte d'avoir enlevé Hélène. Il veut expliquer ses motivations et son attachement à Hélène, ce qui déclenche une discussion intense avec Hector.
L'absence d'Andromaque peut être justifiée par le fait qu'elle a déjà exprimé ses craintes et ses inquiétudes dans les scènes précédentes. Sa présence n'est pas nécessaire dans cette discussion centrée sur les décisions politiques et les dynamiques familiales entre Hector et Pâris. De plus, cela permet de focaliser l'attention sur le conflit entre les deux frères.
Les deux premières répliques de cette scène annoncent une tonalité plus conflictuelle et tendue par rapport à la scène précédente. Alors que la scène précédente était marquée par des échanges intimes et des réflexions personnelles entre Hector et Andromaque, cette scène débute sur un ton plus direct et confrontatif, avec Pâris justifiant son acte et Hector tentant de comprendre les implications.
Les scènes 4 et 5 forment une unité car elles traitent toutes deux des conséquences de l'enlèvement d'Hélène et de la réaction des Troyens face à cette situation. La scène 4 se concentre sur la confrontation entre Hector et Pâris, tandis que la scène 5 élargit la discussion en incluant les vieillards de Troie, qui apportent un point de vue collectif et soulignent l'impact de la beauté d'Hélène sur la communauté. La scène 5 sert à illustrer la fascination collective pour Hélène et le soutien à Pâris, renforçant ainsi le dilemme de Troie.
Les deux frères s’opposent sur la question de la restitution d’Hélène. Hector, pragmatique et conscient des conséquences politiques et militaires, tente de convaincre Pâris de rendre Hélène pour éviter la guerre. Pâris, en revanche, soutient son choix par un discours passionné sur l'amour et la beauté. Il répond aux questions de son frère avec assurance, utilisant des arguments émotionnels et poétiques. L’image de séducteur de Pâris apparaît à travers ses descriptions enflammées de son amour pour Hélène et son refus de la laisser partir. Le ton qu’il utilise est à la fois défiant et charmeur.
Les tensions familiales sont perceptibles lorsque Hector exprime sa frustration et son désespoir face à l'obstination de Pâris. Les échanges entre les deux frères sont marqués par des reproches implicites et explicites, montrant le fossé entre leurs perspectives et priorités. Ces tensions révèlent la difficulté de concilier les intérêts personnels et familiaux avec les impératifs politiques.
Cassandre et Pâris ne font pas le même portrait d’Hélène. Pâris la décrit comme un idéal de beauté et d'amour, tandis que Cassandre, fidèle à son rôle de prophétesse, voit en elle la cause de la destruction future de Troie. Giraudoux inverse le point de vue traditionnel en donnant à Hélène une dimension plus humaine et en soulignant l'impact de sa présence sur les personnages, plutôt que de la présenter uniquement comme un objet de désir ou de conflit.
La tirade de Pâris sur l’amour est riche en figures rhétoriques telles que les métaphores, les hyperboles et les anaphores. Par exemple, il compare Hélène à une déesse et utilise des images de lumière et de beauté pour décrire ses sentiments. Ces éléments poétiques renforcent la passion de Pâris et ajoutent une dimension lyrique à son discours, contrastant avec le pragmatisme d'Hector.
La tonalité amusante de la scène provient des allusions ironiques et des paradoxes dans les dialogues. Par exemple, les vieillards, fascinés par Hélène, deviennent des caricatures de vieillards épris de jeunesse et de beauté, créant un contraste comique avec la gravité de la situation. Les répliques de Cassandre, souvent ironiques, ajoutent également une dimension humoristique en soulignant l'aveuglement des autres personnages.
Cassandre met en évidence la naïveté et l’obsession des vieillards pour la beauté d’Hélène. Elle souligne leur incapacité à voir au-delà de l'apparence et à comprendre les véritables enjeux politiques et militaires. Cela produit un effet comique et critique, montrant comment la fascination pour la beauté peut aveugler et détourner l’attention des réalités plus sombres.
Giraudoux renverse l'image ébauchée par Ronsard dans le sonnet « Il ne faut s’ébahir, disaient ces bons vieillards... » (Sonnets pour Hélène, II, LXVII) en montrant des vieillards non pas sages et distants, mais au contraire, fascinés et aveuglés par la beauté d'Hélène. Cela souligne l'ironie et la critique de la superficialité, contrastant avec l'idéal de sagesse associé traditionnellement aux vieillards dans la littérature.
Pâris peut être traité de "sexiste" car il réduit Hélène à un objet de désir et de beauté, ignorant ses sentiments et son autonomie. Il la voit principalement comme un trophée à posséder. Cette attitude n'est pas unique à Pâris, car les vieillards de Troie manifestent également une fascination superficielle pour Hélène, soulignant un trait sexiste plus largement partagé.
Cette scène est intéressante car elle met en lumière les dynamiques familiales et politiques à Troie, tout en approfondissant les caractères des personnages principaux. Elle crée une attente en exposant les tensions et les conflits qui ne peuvent que mener à la guerre, préparant ainsi le spectateur à la suite des événements tragiques.
Dans cette scène, les personnages montrent des aspects plus humains et vulnérables, ce qui peut les rendre moins dignes de la stature héroïque traditionnelle. Cependant, cela les rend également plus réalistes et accessibles, permettant au spectateur de mieux comprendre leurs motivations et dilemmes.
L'opéra "La Belle Hélène" de Jacques Offenbach a lancé une version burlesque de l’enlèvement d’Hélène. Cet opéra parodie les événements mythologiques en les présentant de manière légère et humoristique, contrastant avec les représentations plus sérieuses et tragiques.
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